
Tel l’artiste qui sculpte la lumière, tel le sage qui recueille les songes du monde, le poète se distingue par sa parole. Elle n’est pas un simple assemblage de mots : elle est souffle, éclat, semence. Lorsqu’elle convainc et éclaire, lorsqu’elle apaise et enflamme, elle mérite d’être honorée comme un trésor offert à la société. Avant d’en mesurer l’impact de la parole de poète, il convient d’abord de cerner les espaces où elle se développe.
Les espaces de diffusion de la parole poétique
Les
mots du poète naissent au cœur de ses poèmes et de ses écrits : ce sont
des perles arrachées au silence. Ils se glissent aussi dans ses
dialogues, ses confidences, ses entretiens — autant de sources où sa
voix trouve passage.
Ils voyagent à travers les ondes et les journaux, dans les livres et
les sites, dans les lettres manuscrites au parfum d’encre ou dans les
feuillets tapés à la machine.
Aujourd’hui, ils s’élancent par des voies plus rapides encore : réseaux
sociaux, SMS, courriels, ou s’inscrivent sur des divers supports
numériques.
Ils surgissent aussi dans la présence vive, lorsque le poète rencontre
son public : sur scène, en tête-à-tête, dans l’intimité d’un cercle ou
au sein d’une assemblée. De là, sa parole, semblable à une source
jaillissante, déborde de ses rives premières pour irriguer l’immense
horizon du monde.
Éclat et impact de la parole poétique
La
parole du poète fait vibrer les cordes les plus secrètes de l’âme :
elle trouble, elle secoue, elle enivre. Elle ranime les cœurs, elle
ouvre des clairières dans l’esprit, elle fait naître des révoltes et
des rêves. Parfois, elle agit aussitôt dans la chair même de la vie,
comme un poème d’amour qui bouleverse : « Tu engourdis mon cœur,
et il a peur d’aimer », confiait Dox.
En modelant les émotions des hommes, le poète les convainc de suivre
ses conseils : « qui ne bouge pas se fige », rappelait Elie
Rajaonarison. Ses mots appellent à dépasser la simple répétition, à
embrasser la création véritable, car « les imitateurs sont nombreux,
mais les créateurs rares ». Dans cette même veine, Solofo José pique
d’un trait ironique : « ne tarde plus jusqu'à l'ultime instant,
apprenez à regarder loin ». Chaque poète trace la route. Dox, par
exemple, convie ses lecteurs à accepter l’alternance de l’ombre et de
la lumière, dans son poème « Remets-le aux épreuves de la vie ». Sa
parole, comme un baume, console, enseigne et prépare au combat de
l’existence.
Mais parfois, elle se fait flamme et mot d’ordre : « Antananarivo
propre, un objectif à rappeler », proclamait Célestin Andriamanantena,
dont la voix fut élevée au rang de devise civique dans les années 1980.
Rado, lui, fit éclater sa parole sur la place publique : « Le couvercle
explose ! » cria-t-il devant des foules ardentes, et son mot devint
étincelle d’un soulèvement populaire.
Le poète, maître du verbe, se dresse ainsi comme gardien et éclaireur
de la langue malgache. « Je fais mienne ma parole, et je tiens aussi
celle des autres », dixit le poète Di.... Ainsi, les mots du poète
deviennent flambeaux hérités, devises transmises de génération en
génération.
Ils nourrissent l’école et la recherche, ils fondent la critique, ils
soutiennent les argumentations. Comme les proverbes, ils sont cités,
répétés, gravés dans les discours. On y perçoit une densité qui ne se
laisse pas ébranler, telle la parole d’Esther Nirina : « Mes racines,
c'est ici ».
La mission éternelle du poète
La
parole poétique entraîne les hommes à se relever, à lutter, à marcher
vers l’espérance. Qu’elle soit gravée dans un poème ou couchée dans un
texte, qu’elle soit chantée par la radio, lue dans un livre ou
scintillante sur la toile numérique, elle accompagne le quotidien des
peuples : elle enseigne, elle guide, elle console, elle enflamme.
C’est pourquoi le poète a un devoir sacré : inventer toujours, créer
encore, ne pas se contenter de répéter l’ancien. Il doit aussi sceller
ses paroles dans des supports durables — livres, journaux, archives
numériques — pour que les générations futures trouvent à leur tour,
dans ce trésor, lumière et direction.
Ainsi, la voix du poète n’estac pas un souffle passager : elle est
héritage et flambeau, étoile et sentier. Elle est à la fois chant et
chemin, mémoire et avenir.
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